À demi-mot — Le justicier masqué
Il veillait sur la ville comme on allume une veilleuse dans une chambre trop grande.
Un post ici, une alerte là . Il ne volait pas, ne portait pas de collants. Mais chaque jour, il surgissait sur les fils d’actualité comme un Batman local, masqué derrière un pseudo, scrutant les rues d’Oran depuis le haut de ses notifications.
Info Oran, c’était ce genre de page qu’on ouvre avant même de vérifier l’heure. Parce qu’elle était là avant les autres. Parce qu’elle disait ce que d’autres taisaient. Parce qu’elle faisait croire, parfois, que quelqu’un regardait avec nous.
Mais comme tous les justiciers solitaires, il a fini par déranger. On a commencé à douter de ses sources, à pointer du doigt ses chiffres, à lui reprocher ce qu’on avait salué la veille : sa rapidité, sa présence, son omniscience. Et un jour, sans cape ni cri, il a disparu. La page s’est effacée, comme si on avait éteint le projecteur dans le ciel.
Les super-héros finissent souvent ainsi. Fatigués. Accusés. Pris entre les attentes du peuple et les limites du système. Ni vraiment coupables, ni totalement innocents. Trop humains pour l’image qu’on projette sur eux.
À Oran, il ne reste plus que le bruit sourd des captures d’écran, les rumeurs qui s’enroulent autour du silence, et cette étrange sensation de vide — comme quand un héros s’absente, mais qu’on n’ose pas l’admettre.
Peut-être qu’il reviendra. Peut-être qu’il s’est juste posé sur un autre toit. Ou peut-être que, cette fois, même le justicier en a eu assez d’être surveillé alors qu’il surveillait.
Et nous ?
Nous avons refermé la page, mais pas le besoin qu’elle comblait.